dimanche 7 octobre 2012

Pourquoi les hommes aiment-ils tant les seins ?


Il existe plusieurs théories expliquant l’attirance des hommes pour les seins des femmes. La dernière en date, proposée par le psychologue Larry Young, défend l’idée qu’elle viendrait d’un circuit de neurones particulier servant à favoriser l’attachement d’une mère pour son petit pendant l’allaitement, mais aussi à son partenaire qui stimule la poitrine durant les rapports sexuels. En caressant les seins, les hommes pousseraient les femmes à les aimer davantage…
C’est de notoriété publique : les hommes aiment les seins des femmes. Mais pourquoi ? Tout le monde n’est pas d’accord sur ce point. Certains pensent par exemple qu’une femme à forte poitrine est perçue comme fertile et capable de nourrir convenablement son bébé. Mais Larry Young, psychologue à l’Emory University et Brian Alexander, journaliste et écrivain, ne sont pas de cet avis. Ils défendent leur point de vue dans un livre intituléThe chemistry between us et expliquent que tout serait régi par un réseau de neurones qui s’établit chez la femme pour faciliter l’attachement à son petit durant l’allaitement. Il serait aussi emprunté quand, dans un rapport sexuel un homme caresse la poitrine de sa partenaire, ce qui la pousserait à focaliser son attention et son amour sur son amant…
L’attirance pour les seins, une histoire de… cerveaux
Larry Young a pour spécialité l’étude des bases neurologiques des comportements sociaux complexes. Il explique qu’au moment de l’allaitement, lorsque le bébé suce le mamelon de sa mère, celle-ci voit son cerveauinondé d’une hormone appelée ocytocine, célèbre car fortement associée à l’amour et à l’attachement. Ainsi, la femme accorde toute son affection à son petit.
La poitrine joue aussi un rôle important lors des rapports sexuels et participe activement à l’excitation. Il a été montré que des caresses sur cette région activent les mêmes régions du cerveau que la stimulation du vagin ou duclitoris. Et comme pour les nourrissons qui se restaurent, les gestes délicats d’un amant induisent un relargage massif d’ocytocine. La cible de l’attention féminine, dans ce cas, n’est autre que son partenaire.

Du point de vue du succès reproducteur, il est donc intéressant pour un homme d’aimer les seins des femmes afin qu’elles lui prêtent davantage d’affection et d’amour, conditions requises pour former un couple durable. Young y voit les traces de la sélection naturelle, les mâles montrant de l’appétence pour les poitrines ayant pu se reproduire davantage que les autres. De ce fait, l’attirance des hommes pour les seins serait devenue une norme et le psychologue décrit même la présence d’un réseau neuronalspécifique qui se développerait chez les mâles hétérosexuels au moment de la puberté.
Aimer les seins, le propre de l'homme ?
Mais pourquoi l’Homme serait-il la seule exception du monde animal ? Les auteurs du livre apportent leurs explications. D’une part, chez lesmammifères, 97 % des espèces ne sont pas monogames*, ce qui élimine déjà bon nombre d’espèces. Ensuite, la différence viendrait de notre particularité à faire l’amour en face à face, ce qui ne se retrouve pas chez les autres mammifères monogames. Le campagnol, par exemple, monte sur le dos de sa femelle, dont les mamelles sont dirigées vers le bas. Aucune possibilité de les atteindre pendant le rapport sexuel, donc le comportement n’a pas été sélectionné par l’évolution.
La théorie est séduisante, mais ne fait pas l’unanimité. Car l’Homme est un être de nature, mais aussi de culture. Ainsi, l’anthropologue Fran Mascia-Lees, de la Rutgers University (New-Brunswick, États-Unis) ne peut être en total accord avec les thèses de Young et Alexander. En effet, elle signale que tous les hommes ne sont pas attirés par les seins. Elle évoque par exemple ces tribus africaines dans lesquelles les femmes se baladent torse nu sans susciter un intérêt particulier de la part des membres masculins de la troupe. Le débat pourrait donc être un peu plus complexe et ne se limiterait peut-être pas à de simples réseaux de neurones…
* L’espèce humaine ne peut être considérée comme monogame stricte. Mis à part les questions d’infidélité, selon les périodes ou les régions du monde, la polygamie a existé et existe encore. Il n’y a qu’à penser aux harems des Ottomans ou aux mariages multiples des hommes de confession mormone. De même, l’Homme ne pratique pas uniquement le sexe en face à face et a développé de nombreuses pratiques et fantaisies dans un but de plaisir, car chez lui (comme chez d’autres), la sexualité n’est pas qu’une affaire de reproduction.

lundi 17 septembre 2012

Laisser bébé pleurer (un peu) n’est pas mauvais pour sa santé


Il y a les pour et il y a les contre. Faut-il laisser le bébé pleurer un peu durant la nuit ? Une nouvelle étude vient de renvoyer les deux parties dos à dos : dans un cas ou dans l'autre, les enfants se portent aussi bien…
  • Un dossier pour tout savoir sur les bébés 
Lorsque le bébé se réveille en pleine nuit et se met à pleurer, que faut-il faire ? Se précipiter pour le rassurer ou le laisser s’exprimer un peu avant de venir le retrouver ? Les pédiatres ne se sont toujours pas mis d’accord sur cette question.
Les uns pensent que délaisser l’enfant conduit d’une part à affaiblir l’attachement qu’il a pour sa mère et à faire baisser l’estime de soi. De plus, une étude publiée en décembre dernier montrait que le stress engendré durant les premiers temps de la vie pouvait avoir de sévères répercussions sur le développement neurologique du bébé, et lui causer des traumatismesdurables.
Les autres en revanche considèrent que laisser pleurer le nourrisson est une expérience formatrice (si on ne le laisse pas trop longtemps), qu’il n’en souffre pas et qu’en plus, l’anxiété maternelle finit par diminuer. Pour apporter des réponses à ce débat, des scientifiques du Royal Children’s Hospital de Victoria (Australie) ont suivi des enfants pendant plus de cinq ans pour voir si ceux qu’on avait laissé pleurer se portaient plus mal que les autres. Apparemment non, d'après les résultats publiés dans la revuePediatrics.
Bébés pleureurs ou non, tous se portent aussi bien
En tout, 326 familles ont été recrutées. Chacune était libre d’élever son bébé selon les différentes méthodes. Une partie d’entre elles ont opté pour la technique du pédiatre Richard Ferber, dite des pleurs contrôlés, qui invite les parents à habituer le bébé à se plaindre un peu plus longtemps nuit après nuit avant l'intervention des parents. D’autres ont pratiqué la méthode du camping out, à savoir venir dans la chambre du nourrisson quand il est en pleine crise de larmes mais simplement se placer à côté de lui, sans le prendre dans ses bras. Un troisième lot regroupait les enfants « contrôle », ceux qui étaient aussitôt rassurés par leurs parents.
Dors bébé, dors. Au moins la question de savoir si tes parents doivent te laisser pleurer ou non ne se pose pas...
Dors bébé, dors. Au moins la question de savoir si tes parents doivent te laisser pleurer ou non ne se pose pas... © Ambrozinio, StockFreeImages.com
Régulièrement, des mesures pour évaluer le développement affectif, la santé mentale ou la capacité à gérer le stress ont été entreprises depuis l’âge de 7 mois jusqu’à leurs 6 ans. Et l'analyse est formelle : à aucun moment ces bambins n’ont présenté de différences avec leurs homologues. Pas de trouble du comportement, des émotions, des relations sociales ou dusommeil. Pas de problème d’attachement avec les parents ou avec les personnes extérieures, pas plus de conflits dans la famille. Les parents ne sont pas affectés non plus par les techniques d’apprentissage du sommeil : pas de problème de dépression, d’anxiété ni d’autorité.
Pas de consigne pour les parents
Les auteurs sont allés encore plus loin : ils ont mesuré les taux de cortisol, l’hormone du stress. À ce niveau non plus, aucune différence...
Les méthodes classiques conseillées par les pédiatres semblent donc toutes sans danger pour l’enfant. Ainsi, les chercheurs invitent les parents à opter pour la technique qui leur convient, sans se préoccuper de la santé de leur enfant puisque celle-ci ne sera pas affectée.
En revanche, il est important de ne pas commencer trop tôt. Avant l’âge de 6 ou 7 mois, les spécialistes conseillent de se lever systématiquement et de prendre le bébé dans les bras à chaque crise de larmes. Après, il devient possible de le laisser pleurer un peu. Mais pas toute la nuit !
La solution miracle pour empêcher les bébés de pleurer n'existe pas et les parents devront toujours se lever pendant la nuit pour rassurer leur enfant. Mais à quelle vitesse accourir dans la chambre ? À chacun de l'estimer... © Chalky Lives, Fotopédia, cc by sa 2.0
La solution miracle pour empêcher les bébés de pleurer n'existe pas et les parents devront toujours se lever pendant la nuit pour rassurer leur enfant. Mais à quelle vitesse accourir dans la chambre ? À chacun de l'estimer... © Chalky Lives, Fotopédia, cc by sa 2.0

jeudi 26 juillet 2012

Manger 5 fruits et légumes par jour… pour mieux grossir


Et si suivre les recommandations en matière de santé pouvait faire grossir ? Le slogan accompagnant les publicités pour des aliments gras nous incitant à consommer 5 fruits et légumes par jour pourrait avoir l’effet inverse recherché. Il nous donnerait l'envie de nous faire plaisir...
  • À lire, notre dossier complet sur l'obésité 
Face à l’épidémie d’obésité et de surpoids qui se répand dans le monde, les autorités sanitaires ont décidé d’agir et de prévenir. C’est pourquoi, depuis 2009 en France, les publicités pour des aliments trop gras, trop salés ou trop sucrés sont accompagnées d’un slogan de l’Institut national deprévention et d’éducation pour la santé (INPES) incitant à manger 5 fruits et légumes par jour pour une bonne santé.
Mais quelle est l’efficacité réelle du message ? Deux chercheuses de l’école de management de Grenoble ont travaillé sur la question en faisant appel à 131 de leurs étudiants. Les volontaires devaient regarder une publicité pour un aliment bien trop riche, accompagné ou non du slogan leur recommandant de faire attention à ce qu’ils mangent. Après visionnage, on leur offrait la possibilité de choisir entre un bon pour une glace et un pour un sachet de fruits.
Le message sanitaire varie d'un pays à l'autre. Si aux États-Unis, comme en France, on préconise 5 fruits et légumes par jour, au Danemark on parle plutôt de 6. Mais c'est aussi pour des raisons mnémotechniques. En effet, dans ce pays scandinave, le chiffre 6 s'écrit seks et se prononce comme sex, qui est transparent et signifie « sexe ».
Le message sanitaire varie d'un pays à l'autre. Si aux États-Unis, comme en France, on préconise 5 fruits et légumes par jour, au Danemark on parle plutôt de 6. Mais c'est aussi pour des raisons mnémotechniques. En effet, dans ce pays scandinave, le chiffre 6 s'écrit seks et se prononce comme sex (« sexe »). © Deserttrends, StockFreeImages.com
Les images parlent plus qu’un slogan
Contrairement à ce que voudrait le bon sens, les consommateurs n’ayant pas vu défiler le message ont, 2 fois plus que les autres, opté pour les fruits. C’est ce qui s’appelle un effet boomerang : on produit le résultat inverse de ce qui était désiré.
Les auteures apportent une explication à cette observation paradoxale. Selon Carolina Werle, le message déculpabiliserait le consommateur qui hésiterait moins à se diriger vers des produits dits « de plaisir », ce qui risque, à terme, de conduire au surpoids. En revanche, ce même aliment est associé à des concepts négatifs lorsqu'il n'est pas accompagné des recommandations sanitaires : par souci pour notre santé, nous préférons nous diriger vers une nourriture plus saine.
En conclusion de cette étude publiée dans Marketing Letters, les chercheuses proposent de modifier la façon d’opérer. Au lieu d’associer la publicité à un texte, elles encouragent à utiliser la force des images, comme cela existe dans la lutte contre le tabac, car l'impact est plus puissant dans l’esprit des gens.

vendredi 13 juillet 2012

Matière noire : le premier filament entre Abell 222 et Abell 223 observé


Le modèle de la matière noire froide semblait à la veille d’une crise il y a quelques mois. Elle a vite été résolue et la première observation d’un filament de matière noire connectant deux amas de galaxies, Abell 222 et Abell 223, apparaît comme un nouveau triomphe du modèle cosmologique standard. De tels filaments sont en effet prédits depuis longtemps.
L’univers semble bel et bien rempli de matière noire et d’énergie noire. Bien que le dernier mot n'ait pas encore été dit en ce qui concerne des alternatives à ces hypothèses basées sur des modifications des lois de lagravitation, en particulier avec Mond, la matière noire reste pour le moment un ingrédient fondamental dans la recette permettant de faire naître lesgalaxies et les amas de galaxies que l’on observe aujourd’hui.
Mais ses caractéristiques sont encore mal comprises, même si on peut l’étudier en observant les structures à grandes échelles que forment les différents types de galaxies et les amas de galaxies.
Matière noire froide ou tiède ?
En effet, on sait que selon la masse des particules de matière noire, les galaxies se forment avant les grandes structures, ou inversement. Si les particules de la matière noire avaient été des neutrinos, dont on sait que les masses sont faibles, les grandes structures en forme de bulles et de filaments de matière seraient apparues en premier. Les étoiles et les galaxies se seraient ensuite formées dans ces structures par effondrementgravitationnel.

Une simulation conduite à partir de travaux publiés en 1990 par David Weinberg et James Gunn montrant la formation des grandes structures dans l'univers dans le cadre du modèle de matière noire froide. Les galaxies apparaissent les premières et se rassemblent plus tard en superamas formant des filaments. © Johannes Hidding/YouTube
Dans l’univers observable, nous constatons l’inverse. Les étoiles et les galaxies précédent dans l'histoire du cosmos les amas de galaxies, lesquels forment finalement des superamas constituant des bulles et des filaments. Il faut donc faire intervenir des particules massives qui se comportent comme un gaz de particules froid. C’est le modèle de la matière noire froide.
Si les neutrinos avaient été un peu plus massifs, tout en restant légers, et que les observations concernant les grandes structures avaient été différentes, on utiliserait alors le modèle de la matière noire chaude car le gaz de neutrinos se comporterait comme un gaz de particules chaud.
Il n’est pas exclu qu’un peu de matière noire chaude soit nécessaire en plus de la matière noire froide. On parle alors de modèle de matière noire tiède.
Pour mieux comprendre la formation des galaxies et des grandes structures dans l’univers observable, on réalise des simulations numériques depuis des décennies. Après la découverte de l’énergie noire en 1998, celle-ci est entrée dans la danse et l’on en tient compte dans des simulations comme celle de Deus.
Une nouvelle preuve de l'existence de la matière noire
Le modèle de la matière noire froide complétée avec de l’énergie noire rend particulièrement bien compte des observations à grandes échelles, même si on ne peut pas en dire autant de celle des galaxies. Il prédit que des filaments de matière noire froide se sont formés dans lesquels les amas de galaxies et la matière baryonique normale sont en train de tomber. Mais jusqu’à présent, seuls les filaments de matière baryonique, c'est-à-dire des amas de galaxies bien visibles, étaient observés. Les filaments de matière noire, eux, n’étaient pas détectés de façon irréfutable. Comme l’explique un article publié dans Nature, cela vient de changer.
Ce n'est pas la première fois que l'on tentait de détecter, par effet de lentille gravitationnelle faible, un filament de matière noire entre les amas galactiques Abell 222 et Abell 223. Mais c'est la première fois que les observations sont concluantes. La présence de la matière noire est représentée ici sous la forme de lignes d'isodensité reconstruites. L'image de fond a été prise dans le visible par le télescope Subaru.
Ce n'est pas la première fois que l'on tentait de détecter, par effet de lentille gravitationnelle faible, un filament de matière noire entre les amas galactiques Abell 222 et Abell 223. Mais c'est la première fois que les observations sont concluantes. La présence de la matière noire est représentée ici sous la forme de lignes d'isodensité reconstruites. L'image de fond a été prise dans le visible par le télescope Subaru. © Jörg Dietrich/U-M Department of Physics
Un groupe d’astrophysiciens et de cosmologistes a utilisé le fameux effet delentille gravitationnelle faible pour débusquer un de ces filaments de matière noire froide prédit par la théorie. Un tel filament s’étendant entre les amas de galaxies Abell 222 et Abell 223 dévie en effet la lumière le traversant sous l’effet du champ de gravitation de la matière noire. En produisant des déformations caractéristiques des images des galaxies d’autant plus importantes qu’il y a de la matière noire, il permet de détecter la présence de cette matière invisible mais aussi d’estimer les quantités présentes.
On peut compléter ces observations avec des mesures faites dans le domaine des rayons X. C’est ce qui a été effectué avec le satellite XMM-Newton. Un plasma de matière normale chaude se trouve aussi piégé, comme dans les amas de galaxies, dans les filaments. Dans le cas présent, la comparaison des mesures a permis d’estimer que 90 %, au moins, de la masse présente dans le filament était de matière noire.
C’est une preuve de plus en faveur de l’existence de la matière noire. On pense que des filaments similaires se trouveraient même dans les amas de galaxies, guidant des courants de matière normale et faisant croître des galaxies autrement que par des collisions et des fusions galactiques.

dimanche 8 juillet 2012

Pourquoi un régime hyperprotéiné coupe-t-il la faim ?


On connaissait la faculté des protéines à couper la faim, mais pas par quels mécanismes. Des chercheurs français viennent d'expliquer le fonctionnement des régimes hyperprotéinés. Par une réaction en chaîne, le système digestif envoie un message au cerveau qui répond en retour. En agissant sur ces échanges qui contrôlent la satiété, les scientifiques espèrent mieux prendre en charge les patients obèses ou atteints de surpoids.
L’équipe de chercheurs InsermCNRS et université Claude Bernard Lyon 1est parvenue à élucider la sensation de satiété ressentie plusieurs heures après un repas riche en protéines. Elle s’explique par des échanges entre le système digestif et le cerveau, initiés par les protéines alimentaires que l’on trouve majoritairement dans la viande, le poisson, les œufs ou encore certains produits céréaliers.
Lors de travaux précédents, les chercheurs ont prouvé que l’ingestion deprotéines alimentaires déclenche une synthèse de glucose au niveau de l’intestin, après les périodes d’assimilation des repas (une fonction appelée néoglucogenèse). Le glucose qui est libéré dans la circulation sanguine (veine porte) est détecté par le système nerveux, qui envoie un signalcoupe-faim au cerveau. Plus connue au niveau du foie et des reins pour alimenter les autres organes en sucre, c’est au niveau de l’intestin que la néoglucogenèse délivre un message coupe-faim à distance des repas, caractéristique des effets dits de satiété.
Des protéines coupe-faim grâce aux récepteurs µ-opioïdes
Dans ce nouveau travail, publié dans la revue Cell, ils décrivent précisément comment la digestion des protéines provoque une double boucle de réactions en chaîne impliquant le système nerveux périphérique ventral (passant par le nerf vague) et dorsal (passant par la moelle épinière).
Ce schéma explique les interactions qui existent entre le système digestif et le système nerveux suite à l'ingestion de protéines. Les intestins servent de capteur et le cerveau de maître opérateur. Les régimes hyperprotéinés jouent donc sur ce principe.
Ce schéma explique les interactions qui existent entre le système digestif et le système nerveux suite à l'ingestion de protéines. Les intestins servent decapteur et le cerveau de maître opérateur. Les régimes hyperprotéinés jouent donc sur ce principe. © Inserm, F. Koulikoff
L’exploration dans le détail du mécanisme biologique a permis d’identifier des récepteurs spécifiques (les récepteurs µ-opioïdes) présents dans le système nerveux de la veine porte, à la sortie de l’intestin. Ces récepteurs sont inhibés par la présence des oligopeptides, produits de la digestion des protéines.
De l’intestin au cerveau, et vice-versa
Dans un premier temps, les oligopeptides agissent sur les récepteurs µ-opioïdes qui envoient un message par la voie du nerf vague et par la voie spinale vers les zones du cerveau spécialisées dans la réception de ces messages.
Dans un second temps, le cerveau envoie un message retour qui déclenche la néoglucogenèse par l’intestin. Cette dernière initie alors la transmission du message coupe-faim dans les zones du cerveau contrôlant la prise alimentaire, comme l’hypothalamus.
L’identification de ces récepteurs et de leur rôle dans la néoglucogenèse intestinale permet d’envisager de nouvelles pistes thérapeutiques dans le traitement de l’obésité. L’enjeu est de déterminer la façon d’agir sur ces récepteurs µ-opioïdes pour réguler durablement la sensation de satiété. Selon Gilles Mithieux, principal auteur de ce travail : « Sollicités trop fortement, ces récepteurs peuvent devenir insensibles. Il faudrait donc trouver le meilleur moyen de les activer modérément, afin de garder leur effet bénéfique à long terme sur le contrôle de la prise alimentaire ».

Les hommes sont plus heureux quand ils font le ménage


Voilà qui va tordre le cou aux idées reçues des machos. Une étude sérieuse vient, à la grande surprise des auteurs, de révéler que plus les hommes participent aux tâches domestiques et plus ils vivent heureux. Et s’il suffisait de faire la vaisselle pour qu’un homme (mé)nage dans le bonheur ?
L’égalité des sexes, ce n’est pas encore pour aujourd'hui. Malgré les luttes féministes et les mouvements de libération de la femme entamés depuis une cinquantaine d’années, les hommes occupent toujours les plus hautes fonctions dans la société, ont encore un salaire plus important pour des fonctions équivalentes et passent moins de temps à accomplir les tâches ménagères.
Pourtant, voilà un argument qui pourrait pousser ces messieurs à changer. Et si la science leur prouvait à coup de statistiques que participer auxactivités domestiques les rendait plus heureux ? C’est exactement ce qui vient d’être fait. On ne pourra pas accuser les chercheurs d’avoir orienté leurs résultats puisqu’eux-mêmes ne s’attendaient pas à pareil constat…
Le contexte : une inégalité criante entre hommes et femmes
Difficile de sortir des stéréotypes. Si l’égalité des sexes transparaît plus facilement dans les discours aujourd’hui qu’il y a 50 ans, elle ne s’applique pas toujours dans les actes. Ainsi, une vaste étude, dont les résultats sont publiés dans un livre nommé Gendered Lives dans sa version originale, tente de faire le point sur la situation du continent européen… et révèle qu’il y a encore du travail à faire.
Au niveau professionnel notamment, car les femmes sont parfois amenées à choisir entre leur carrière et le fait de fonder une famille. La tradition de la bonne mère au foyer et de l’homme besognant pour nourrir sa famille est toujours bien prégnante, même inconsciemment. Les chiffres parlent d’eux-mêmes au Royaume-Uni, où 40 % des femmes travaillent à temps partiel contre 10 % des hommes.
Il a fallu du temps pour accorder des droits similaires aux hommes et aux femmes. Il faudra attendre 1945 pour voir la gent féminine faire entendre sa voix lors d'une élection. Aujourd'hui, les différences sont moindres mais elles existent toujours.
Il a fallu du temps pour accorder des droits similaires aux hommes et aux femmes. En France, il faudra attendre 1945 pour voir la gent féminine faire entendre sa voix lors d'une élection. Aujourd'hui, les différences sont moindres mais elles existent toujours. © Open Democracy, Flickr, cc by 2.0
Dans le foyer aussi les inégalités subsistent. L’Insee dévoile dans sonEmploi du temps 2009-2010 que les hommes contribuent aux tâches ménagères à hauteur de 2 h 24 par jour, chiffre stable depuis 10 ans, tandis que les femmes y consacrent quotidiennement 3 h 52, un chiffre pourtant en légère baisse. Les choses sont-elles immuables ?
L’étude : comment faire un ménage heureux ?
La gent féminine a peut-être l’occasion de se réjouir. Comme l’explique la prestigieuse University of Cambridge, l'ouvrage susnommé s’intéresse au bien-être des hommes en comparaison du temps passé à collaborer aux activités domestiques, telles que faire la cuisine, la vaisselle, les courses,faire le ménage ou encore la maintenance domestique.
Contrairement à ce qui était attendu, les hommes d’Allemagne, du Danemark, de France, de Grande-Bretagne, de Norvège, des Pays-Bas et de Suède se déclarent plus à l’aise et moins stressés lorsqu’ils participent aux tâches ménagères. Ils sont donc plus heureux.
Quelle est donc la clé de ce bonheur ? Est-ce de tremper la serpillère dans un seau humide ? L’odeur alléchante d’un repas qu’on a pris le temps de préparer ? Selon les scientifiques, une évolution des mœurs s’insinue peu à peu dans l’esprit des gens et les hommes commencent à culpabiliser de regarder leur compagne faire le plus gros du travail.
D’autre part, les femmes osent davantage réclamer un traitement équitable, là encore du fait de changements de considération dans la société, et les hommes besogneux ne subissent pas les foudres d’une épouse en colère. Moins de disputes, plus de calme, chacun peut vivre tranquillement. Des tâches partagées pour un bonheur partagé… Ou comment être heureux en ménage !
L’œil extérieur : des progrès restent à faire
Globalement, cet ouvrage tend à montrer l’impact des discours culturels et sociétaux dans la mise en place d’un traitement égalitaire entre hommes et femmes. Ainsi, dans les pays scandinaves, qui clament depuis de longues années l’absence de différence entre les unes et les autres, le fossé se réduit peu à peu.
De générations en générations, ces siècles de stéréotypes finiront peut-être par être balayés. Mais qui sera derrière le balai : un homme ou une femme ?

vendredi 6 juillet 2012

La grande aventure du boson de Higgs


Le Cern a annoncé hier la découverte d'un nouveau boson, très probablement celui prédit en 1964, explicitement ou implicitement, par Peter Higgs et ses collègues Kibble, Guralnik, Hagen, Englert et Brout. Voici, illustrées de vidéos, les étapes de cette grande aventure de la physique qui a débuté il y a presque 50 ans.
C’est la fin des années 1950. Les accélérateurs de particules ont révélé l’existence d’un zoo très riche de particules élémentaires comme les mésonspi et les kaons. L’existence du neutrino et de l’antiproton a été confirmée mais les théoriciens sont dans une grande perplexité. On commence à connaître plusieurs dizaines de particules. C’est trop. Ce n’est pas ce qu’on attendait pour des particules dites élémentaires qui devraient se compter sur les doigts de la main tout au plus.
Il apparaît aussi que ces particules interagissent avec les mêmes forces nucléaires fortes qui collent protons et neutrons dans les noyaux et qu’elles se désintègrent selon les mêmes lois que celles de la radioactivité bêta. Il y a clairement une quatrième force universelle dans l’univers, la force nucléaire faible.
 
Dans cette vidéo en français, François Englert nous fait partager ses souvenirs sur la découverte du mécanisme de Brout-Englert-Higgs ainsi que son émotion lors de la découverte d'un nouveau boson au Cern. © Cern
La quête de l'unification de la physique
De même que l’existence de dizaines d’atomes était le signe qu'ils n’étaient pas élémentaires, on commence à soupçonner que plusieurs des particules de l’époque ne le sont pas non plus. Ou du moins, qu’il doit exister une théorie expliquant ce large spectre de particules variées avec des masses différentes, à la façon dont on sait que les atomes sont composites ou possèdent différents états d’énergie. Mais il y a plus...
Des couplages entre effets électriques et magnétiques avaient mis Maxwell sur la piste de sa théorie du champ électromagnétique. Ce sont des couplages entre les manifestations de la force nucléaire faible et celles de la force électromagnétique qui inspireront le grand théoricien Julian Schwinger. Il pense qu’il existe une théorie unifiée des forces électromagnétique et nucléaire faible. Il en parle à son étudiant de thèse, Sheldon Glashow, qui travaillera sur le sujet. Glashow proposera une telle théorie au début des années 1960. C’est à ce moment que François Englert, Robert Brout et Peter Higgs entrent aussi en scène.
François Englert (à gauche), malheureusement sans Robert Brout, a rencontré Peter Higgs pour la première fois de sa vie au Cern, le 4 juillet 2012.
François Englert (à gauche), malheureusement sans Robert Brout, a rencontré Peter Higgs pour la première fois au Cern, le 4 juillet 2012. © Maximilien Brice, Laurent Egli/Cern
Parallèlement aux travaux des théoriciens qui étudient des théories du type champ de Yang-Mills pour décrire les forces nucléaires, ils s’interrogent sur un mécanisme capable d’expliquer l’origine des masses des particules. Comme l’explique François Englert, dans la vidéo ci-dessus, les travaux sur la supraconductivité sont présents à l’esprit de beaucoup à cette époque. La théorie BCS avait été découverte en 1957 et Yoichiro Nambu avait publié ses travaux.
Or, avec l’effet Meissner qui se manifeste si spectaculairement avec lalévitation magnétique, tout se passe dans les supraconducteurs comme si un photon devenait massif. Supposons, et les lois de la mécanique quantique l’imposent presque, que les forces entre particules sont décrites par des équations similaires aux équations de Maxwell, les fameuses équations de Yang-Mills. On peut alors penser que les forces nucléaires à faible portée – car décrites par des particules massives comme le pion de Yukawa – sont au départ des forces véhiculées par des cousins du photon. Ces cousins sont sans masse mais deviennent massifs dans l'hypothèse où l’univers est un peu comme l’intérieur d’un supraconducteur.
Dès 1961, Robert Brout et François Englert réfléchissent à cette idée et c’est en 1964 qu’ils publient, les premiers, un article (qui deviendra célèbre) sur un mécanisme de la théorie des champs, capable de donner une masse aux particules. Peter Higgs a des idées similaires et il publie peu de temps après un article dans lequel, contrairement à ses collègues belges, il parle explicitement d’une nouvelle particule massive associée au champ de ce qui est aujourd’hui appelé le mécanisme de Brout-Englert-Higgs (BEH).
Ce point est bien mis en évidence dans une conférence par le grand théoricien John Ellis qui signale qu’il est aussi absent des travaux similaires publiés en 1964 par Gerald Guralnik, Carl Richard Hagen et Thomas Kibble que l’on considère comme les codécouvreurs du mécanisme de BEH.
Le mécanisme de Brout-Higgs-Englert et la théorie électrofaible
En 1964, peu de personnes comprennent ces résultats et l’article initial dePeter Higgs est même rejeté une première fois par l’expert du journal, auquel il l’avait soumis pour publication.
Toutefois, en 1967, Steven Weinberg et, peu de temps après, Abdus Salam, publient leur théorie unifiée des forces électromagnétiques et nucléaires faibles. C’est le fameux modèle électrofaible. Cette théorie reprend en partie les travaux de Sheldon Glashow mais, surtout, elle utilise de façon essentielle le mécanisme BEH pour doter d’une masse les bosons intermédiaires W et Z impliqués par la théorie. Sans ce mécanisme, ces bosons seraient sans masse et l’équivalent des photons du champ de Maxwell.

Un documentaire sur la découverte des bosons W, au Cern, au début des années 1980. Ces bosons sont massifs en raison de l'existence supposée du mécanisme de Brout-Englert-Higgs. © Cern, BBC Open University/YouTube
En 1971, Gerard 't Hofft, étudiant sous la houlette de Martinus Veltman, prouve que la théorie du modèle électrofaible, encore appelée modèle de Glashow-Salam-Weinberg (GSW) est, tout comme l’électrodynamique quantique de Feynman-Schwinger-Tomonaga, libre du problème des infinis menaçant en général les théories quantiques relativistes des champs. Là encore, le mécanisme BEH est central pour l’obtention de ce résultat.
Schwinger avait reçu son prix Nobel en 1965, Gerard 't Hofft et Martinus Veltman l'obtiendront en 1999 mais Nambu devra attendre 2008. Toutefois, dès 1973, certaines prédictions du modèle GSW, les courants neutres, sont vérifiées au Cern. En conséquence de quoi, Glashow, Salam et Weinberg se voient attribuer le prix Nobel de physique en 1979 sans que les bosons W et Z, les prédictions les plus fondamentales de leur théorie, ne soient encore découverts. Le boson de Higgs, l’autre pièce maîtresse de la théorie, étant tout aussi inobservé.
Carlo Rubbia se fait fort à l’époque de découvrir ces bosons intermédiaires dans des collisions en accélérateur. Il convainc les dirigeants du Cern et avec ses collègues, dont Simon van der Meer, ils aboutissent à la mise en évidence de ces bosons en 1983. Rubbia et van der Meer décrocheront le prix Nobel en 1984. La vidéo ci-dessus retrace cette découverte et montre plusieurs des grands noms impliqués dans cette aventure de la physique comme Salam, Rubbia et Weinberg.

Une vidéo sur le LHC et la chasse au boson de Higgs et à la nouvelle physique. Comparez le saut technologique en 20 ans avec la vidéo précédente. © CernTV/YouTube
Il restait une dernière pièce du modèle électrofaible à découvrir, la plus difficile mais, peut-être, la plus riche en potentiel pour aller au-delà des équations de ce qu’on appelle désormais le modèle standard. Il s’agit, bien sûr, du boson de Peter Higgs.
Du boson de Higgs à la cosmologie en passant par Turing et Charpak
Au début des années 1980, on pense en effet que des cousins du boson de Higgs doivent exister à des énergies très hautes et assurer l’unification de la force électrofaible avec la force nucléaire forte dans le cadre des théories de grande unification, les GUT. En bonus, ces GUT fournissent un moyen de résoudre l’énigme de l’antimatière cosmologique. Un ou des champs de Higgs similaires à celui du modèle GSW, pourraient même expliquer bien d'autres mystères de la théorie du Big Bang en la complétant avec la théorie de l’inflation. Surtout, dans le cadre de ces GUT, le champ de Higgs du modèle standard se révèle instable, d’une certaine façon. Or à l’époque, une autre théorie prend son essor et apparaît comme un très bon moyen de résoudre ce problème. C’est la théorie de la supersymétrie et ses avatars pour la gravitation quantique : la supergravité et les supercordes.
Il devient clair que pour progresser, après que l’idée d’unification des forces par des champs de Yang-Mills s'est trouvée féconde, il faut mettre en évidence le boson de Higgs et vérifier l’existence et les caractéristiques du mécanisme de BEH.
Pour cela, il faut une toute nouvelle génération de collisionneur de particules et de détecteur géant. On étudie donc le futur LHC, dès les années 1980. Tout comme pour le découverte des bosons W et Z, cette entreprise a été rendue possible grâce aux ordinateurs et donc par l’un des pères de l’informatique auquel on rend hommage cette année : Alan Turing.
Mais dans cette grande aventure du boson de Higgs, qui se poursuit aujourd’hui sous nos yeux, rien n’aurait été possible en 1983, et ne serait possible aujourd’hui, sans le détecteur couplé à un ordinateur mis au point par Georges Charpak et dont les descendants traquent les secrets de la matière et des forces.