Une révolution en perspective pour les réseaux sans
fil ? Peut-être : une équipe de chercheurs suédois et italiens vient en effet de
présenter un nouveau moyen de transmettre des informations par radio, permettant d'exploiter sur une même
fréquence une multitude de canaux, voire, en théorie du moins, une infinité...
Comment faire ? En tordant les ondes comme des pâtes fusilli, explique à
Futura-Sciences un chercheur italien membre de l'équipe.
Il suffit d’essayer d’envoyer plusieurs SMS à minuit le 1er janvier pour se
rendre compte du problème de l’engorgement des ondes radio. Et ce n’est qu’un
début, puisqu’avec la multiplication des smartphones et la mise en place de la TNT, les bandes de fréquences radio risquent de
rapidement saturer.
Pour augmenter la capacité de transmission, le seul moyen
actuellement disponible est d'élargir les bandes de fréquences. Mais la méthode
trouve ses limites quand, à force d'inflation, ces bandes réservées à différents
utilisateurs (3G, militaires, aéronautique...) menacent de se
superposer.
Depuis quelque temps, des scientifiques planchent sur un autre
procédé pour moduler des ondes radio, un peu comme si l'on exploitait une
dimension supplémentaire. Longtemps resté une possibilité théorique, l'exploit vient d'être réalisé lors d'une
véritable transmission radio par une équipe de scientifiques italiens et
suédois. De quoi bouleverser l’univers du sans-fil dans les prochaines années et, pourquoi pas, rendre
possible le visionnage de vidéos en 3D et en HD sur les smartphones.
Comment ? « En donnant aux ondes une forme torsadée, à
l'aspect d'une pâte fusilli », a expliqué à Futura-Sciences, Fabrizio
Tamburini, docteur à l’université de Padoue, en Italie, qui porte le projet. La
forme de l’onde est générée par une antenne hélicoïdale parabolique. L’onde est
enroulée autour de son axe plusieurs fois dans le sens des aiguilles d'une
montre. Au final, représentées en 3D, ces ondes ressemblent effectivement à des
pâtes de blé torsadées, autrement dit, des fusilli.
Le moment angulaire orbital : clé du système
Modeste, le chercheur précise que finalement, les
scientifiques n’ont pas inventé grand-chose : « Il ne s’agit pas de
techniques difficiles mais uniquement d'une autre façon de réfléchir sur les
lois physiques de base. ». Cette technique repose en effet sur un phénomène
de physique quantique connu. Les photons, vecteurs des ondes électromagnétiques,
peuvent présenter un moment angulaire supplémentaire, appelé moment angulaire orbital, ou OAM, pour Orbital Angular
Momentum. Un peu comme si les ondes tournaient sur elles-mêmes. Dans un
même faisceau, de fréquence unique, plusieurs photons peuvent présenter des OAM
différents. Si on parvient à moduler indépendamment plusieurs ondes présentant
des OAM différents, on peut encoder autant de signaux. D'où la possibilité de
créer plusieurs canaux sur une même bande de fréquence.
Découvert dans les années 1930 sur le plan théorique, cet OAM
est resté longtemps hors de portée des technologies. Depuis quelques années, on
commence à savoir le maîtriser et donc à le moduler.
Pour expérimenter cette théorie, les chercheurs ont effectué
une démonstration publique devant 2.000 personnes... à Venise, une ville idéale
pour présenter une multiplication des canaux. L'endroit a été choisi pour des
raisons historiques : c'est là que Guglielmo Marconi a effectué plusieurs
expériences de radiotransmission entre Venise et son yacht, l'Elettra.
Franchissant 442 mètres, l'émission transmettait un faisceau d'« ondes
fusilli » sur une unique bande de fréquence étroite, à 2,414 GHz mais avec deux
canaux. L'une des ondes était « tordue » et l'autre présentait un OAM nul. Entre
l'île de San Giorgio et le palais des Doges, l’antenne de réception a pu capter
les deux flux d'ondes, l'une transportant l'image de barres colorées, l'autre de
la baie. Il suffisait, pour passer de l'une à l'autre, de bouger la petite
antenne du récepteur. On peut regarder la vidéo de l'expérience (en anglais) sur
le site du New
Journal of Physics, où les résultats ont été publiés.
Lorsqu’on l'interroge sur l’avenir de cette découverte,
Fabrizio Tamburini dit y croire vraiment. Il indique même qu’un brevet a déjà
été déposé et que plusieurs entreprises souhaitent investir dans le
développement de ces recherches.