vendredi 22 mars 2013

Planck montre un nouveau visage de l'univers


Un univers plus âgé avec davantage de matière noire et moins d’énergie noire : voilà une partie des nouveaux résultats découverts grâce à Planck. Il apparaît aussi que certains aspects de notre univers sont presque parfaitement conformes aux prédictions du modèle cosmologique standard complété par la théorie de l’inflation. Mais de curieuses anomalies pourraient pointer vers une nouvelle physique...
Comme Futura-Sciences l’annonçait hier, une conférence de presse s’est tenue ce matin à Paris au quartier général de l’Esa. Elle portait sur les premiers résultats du satellite Planck en ce qui concerne leurs implications pour la cosmologie, déduites de l’étude du rayonnement fossile. Le directeur général de l’Esa, Jean-Jacques Dordain, après avoir salué la performance technologique représentée par le succès de la mission Planck, a laissé le cosmologiste George Efstathiou s’exprimer.
Le chercheur a exposé le contenu scientifique des découvertes en cosmologie déjà faites avec Planck, alors que toutes les données collectées par le satellite n’ont pas encore été complètement analysées.

Un voyage de quelques minutes pour comprendre pourquoi et comment observer les premiers jours de l'univers. © Planck HFI, YouTube
Un univers plus vieux et moins riche en énergie noire
Directeur du Kavli Institute for Cosmology à Cambridge (Royaume-Uni), George Efstathiou avait déjà considéré avec des collègues un modèle cosmologique avec des proportions de matière noire et d’énergie noire au début des années 1990. Elles étaient très similaires à celles que l’on a mesurées depuis la découverte de l’expansion accélérée de l’univers observable en 1998, des années plus tard.
Les nouveaux résultats à propos de ces proportions ne sont pas très différents de ceux déjà obtenus avec WMap et d’autres instruments d’observation, comme le révèle le chercheur avec une nouvelle carte des fluctuations de température du rayonnement fossile. Mais on constate que la matière noire est un peu plus abondante qu’on le pensait, avec une contribution de 26,8 % à la densité du cosmos. L’énergie noire, toujours dominante, ne représente plus maintenant que 68,3 % de cette densité.
En revanche, l’univers observable est un peu plus vieux qu’on le pensait. Son âge estimé est maintenant d’environ 13,82 milliards d’années. C’est une bonne nouvelle, étant donné la détermination de l’âge probable de certainesétoiles comme HD 140283.
Voici la nouvelle carte des fluctuations de température du rayonnement fossile sur l'ensemble de la voûte céleste. Le pôle nord céleste est en haut et le pôle sud en bas. Elle a été réalisée par la collaboration Planck à partir des données recueillies par les instruments HFI et LFI du satellite. L’écart par rapport à la température moyenne de -270,425 °C, mesurée par le satellite Cobe en 1992, va de -486 (en bleu foncé) à +538 millionièmes de degré Celsius (en rouge).
Voici la nouvelle carte des fluctuations de température du rayonnement fossilesur l'ensemble de la voûte céleste. Le pôle nord céleste est en haut et le pôle sud en bas. Elle a été réalisée par la collaboration Planck à partir des données recueillies par les instruments HFI et LFI du satellite. L’écart par rapport à la température moyenne de -270,425 °C, mesurée par le satellite Cobe en 1992, va de -486 (en bleu foncé) à +538 millionièmes de degré Celsius (en rouge). © Esa, collaboration Planck
Des observations presque conformes à la théorie de l'inflation
Le saut de résolution de la photographie de la plus vieille lumière du cosmos et la mesure précise des infimes fluctuations de températures qu’elle exhibe sur la voûte céleste ont aussi permis aux cosmologistes de dresser une nouvelle courbe de puissance pour le rayonnement fossile. Montrant en quelque sorte l'importance des fluctuations de température en fonction de la résolution en échelle angulaire, cette courbe est une carte d’identité de l’univers.
On peut la comparer à celles déduites de divers modèles cosmologiques construits avec des variantes de la théorie de l’inflation. Il apparaît maintenant qu’aux courtes et très courtes échelles angulaires, l’accord est presque parfait avec ce que prédit le modèle cosmologique de concordance standard, complété par la théorie de l’inflation dans ses formulations les plus simples.
Du coup, on pourrait croire que la théorie de l’inflation s’en trouve démontrée, ou pour le moins très renforcée. Mais George Efstathiou incite à la prudence. Au niveau des fluctuations aux grandes échelles angulaires, des anomalies très curieuses apparaissent dans la courbe de puissance du rayonnement fossile. Elles ne semblent pas pouvoir être expliquées simplement par la théorie de l’inflation. Il pourrait s’agir de manifestations d’une nouvelle physique, voire de traces laissées par un « pré-Big Bang » dans le cadre, par exemple, des théories du multivers.
Une représentation de la fameuse courbe du spectre de puissance angulaire du rayonnement fossile, déduite du modèle cosmologique standard complété par la théorie de l'inflation. C'est en quelque sorte une courbe de puissance moyenne du rayonnement (en ordonnée) donnant l'importance des fluctuations de températures en fonction de la résolution en échelle angulaire (en abscisse). La taille et la position des oscillations dépendent du contenu, de l'âge, de la taille de l'univers, et de bien d'autres paramètres cosmologiques encore. Les points et les barres rouges représentent les mesures de Planck avec des barres d'erreur. L'accord avec les prédictions aux petites échelles angulaires est spectaculaire.
Une représentation de la fameuse courbe du spectre de puissance angulaire du rayonnement fossile, déduite du modèle cosmologique standard complété par la théorie de l'inflation. C'est en quelque sorte une courbe de puissance moyenne du rayonnement (en ordonnée) donnant l'importance des fluctuations de températures en fonction de la résolution en échelle angulaire (en abscisse). La taille et la position des oscillations dépendent du contenu, de l'âge, de la taille de l'univers, et de bien d'autres paramètres cosmologiques encore. Les points et les barres rouges représentent les mesures de Planck avec des barres d'erreur. L'accord avec les prédictions aux petites échelles angulaires est spectaculaire. © Esa
Bientôt une preuve de la théorie de l'inflation ?
Il existe un test très convaincant, pour autant qu’on le sache, de la théorie de l’inflation. Il s’agirait de la détection des modes B. Il s’agit des traces d’infimes fluctuations quantiques primordiales des ondes gravitationnelles, au tout début de l’histoire du cosmos observable, qui pourraient avoir été considérablement agrandies pendant la phase d’inflation.
Or, comme le signale Jean-Loup Puget, l’un des principaux responsables de la collaboration Planck, les informations concernant ces modes B n’ont pas encore pu être proprement exploitées. Des analyses sont en cours, et si ces modes sont présents avec un signal suffisamment clair dans les données de Planck, on devrait le savoir probablement d’ici la fin de l’année.
Toutes les données collectées par Planck n’ont pas encore été examinées. Qui plus est, comme pour WMap, leur exploitation pourrait bien durer une décennie, et probablement plus. Nous ne sommes donc qu’au début des révélations qu’apportera Planck sur l’histoire et la structure de notre univers. Futura-Science examinera de plus près le contenu des informations déjà disponibles avec les données de Planck dans un prochain article, avec notamment des commentaires d'Aurélien Barrau et Jean-Pierre Luminet. En attendant, vous pouvez aller sur la page Facebook du site français de lamission Planck, ainsi que sur ce site lui-même, pour en apprendre plus sur l’univers à l'ère de Planck.

Juste après le Big Bang, entre une période s'étendant de 10<sup>-43</sup> à 10<sup>-35</sup> seconde après un hypothétique « temps zéro » de l'univers observable, on a de bonnes raisons de penser que l'expansion de l'univers a subi une très forte accélération transitoire. Cette brève période de temps s'appelle l'inflation, et elle serait une conséquence d'une nouvelle physique, comme celle de la gravitation quantique ou des théories de grande unification (GUT). Très fortement dilaté, l'univers observable aurait continué son expansion, mais en gardant dans le rayonnement fossile la mémoire de cette phase d'inflation. © Rhys Taylor, <em>Cardiff University</em>
Juste après le Big Bang, entre une période s'étendant de 10-43 à 10-35seconde après un hypothétique « temps zéro » de l'univers observable, on a de bonnes raisons de penser que l'expansion de l'univers a subi une très forte accélération transitoire. Cette brève période de temps s'appelle l'inflation, et elle serait une conséquence d'une nouvelle physique, comme celle de la gravitation quantique ou des théories de grande unification (GUT). Très fortement dilaté, l'univers observable aurait continué son expansion, mais en gardant dans le rayonnement fossile la mémoire de cette phase d'inflation. © Rhys Taylor, Cardiff University