vendredi 8 juin 2012

Non, les neutrinos ne vont pas plus vite que la lumière !


C’est officiel, les quatre détecteurs enfouis sous le Gran Sasso, dont celui de la fameuse expérience Opera, ont rendu leur verdict. Lesneutrinos muoniques ne violent pas la théorie de la relativité en allant plus vite que la lumière. Les résultats précédents d’Opera qui semblaient donner tort à Einstein sont dus au branchement défectueux d’un câble de synchronisation optique des horloges de précision employées.
On se souvient de la bombe médiatique qui avait explosée en septembre 2011 lorsque des membres de la collaboration Opera avaient annoncé leur perplexité devant la mesure du temps de vol de neutrinos muoniques entre le Cern et le détecteur enfoui sous le Gran Sasso. Malgré tous leurs efforts, ils n’étaient pas parvenus à trouver une erreur dans leur chaîne de mesure qui aurait pu expliquer pourquoi ces neutrinos semblaient avoir parcouru les quelque 730 km séparant les deux laboratoires en dépassant la vitesse de la lumière. Bien conscients des multiples contraintes issues des tests portant sur la relativité restreinte et la physique des neutrinos, les chercheurs s’abstenaient avec prudence de toute interprétation théorique des résultats qui en feraient des signes d’une nouvelle physique au-delà du modèle standard.
Il semblait en effet bien peu probable que les mesures effectuées ne soient autre chose que le produit d’une erreur systématique quelconque. Il existe pourtant des théories spéculatives laissant entendre que l’on peut parfois défier Einstein et le mur de la lumière. Ainsi, tout en ne prenant pas vraiment au sérieux ce résultat, on ne pouvait s’empêcher de rester ouvert et de se poser la question : « Et si l’expérience Opera était l’équivalente de celle de Michelson et Morley ? ».
Toutefois, on n’allait pas tarder à apprendre d’une part que les expériencesIceCube et Icarus n’étaient pas compatibles avec les mesures d’Opera et d’autre part que des doutes sérieux portaient sur le branchement d’un câble de synchronisation optique des horloges de précision employées pour mesurer le temps de vol. Après le redémarrage du LHC en début d’année, il était prévu que de nouvelles mesures soient effectuées avec Opera en mai.
La mythique photo d'Einstein tirant la langue.
La mythique photo d'Einstein tirant la langue. © Arthur Sasse
Aujourd’hui à Kyoto, à l’occasion de la 25e Conférence internationale sur la physique du neutrino et l’astrophysique, la collaboration Opera et celles de Borexino, Icarus et LVD, toute les quatre voisines sous le Gran Sasso, ont annoncé par l’intermédiaire de Sergio Bertolucci avoir mesuré de manière cohérente une vitesse des neutrinos compatible avec celle de la lumière. Il s’agissait bien d’un problème de branchement défectueux d’un câble. Einstein triomphe !
Neutrinos transluminiques : une erreur et non une faute
Mais que penser au final de toute cette histoire ? Sans aucun doute la même chose que Jacques Martino, directeur de l’Institut national de physique nucléaire et de physique des particules du CNRS lorsqu’il a déclaré dans un communiqué du CNRS : « On ne peut que se réjouir de la résolution rapide de l’énigme posée par une vitesse des neutrinos semblant dépasser celle de la lumière. Comme cela a été noté dans la presse française et étrangère, ainsi que le magazine Nature, cette démarche critique constitue un bel exemple du fonctionnement de la science et du doute scientifique. La science et les chercheurs acceptent le questionnement de principes, même et surtout les plus fondamentaux, et se basent avant tout sur l'expérience et l’examen par les pairs afin de faire progresser notre connaissance des lois de la nature.
Il me semble important d'apporter notre soutien et notre confiance aux chercheurs d’Opera et en particulier aux chercheurs français qui ont joué un rôle important dans cette mesure, pour l'attitude de rigueur scientifique qu'ils ont toujours suivie dans cette analyse. Si in fine nous avons affaire à une erreur expérimentale, il est impossible de parler de faute. L’annonce par Opera de nouveaux résultats sur l’oscillation des neutrinos, but scientifique principal d’Opera, montre que ce soutien et cette confiance sont mérités ».

jeudi 7 juin 2012

Record de distance : une galaxie à 12,91 milliards d'années-lumière


SXDF-NB1006-2 est présentée par une équipe d’astronomes japonais comme la galaxie la plus distante actuellement connue. D’autres candidats à ce titre existent cependant, avec des distances parfois supérieures aux 12,91 milliards d’années-lumière estimées à l’aide du télescope Subaru. Une découverte qui nous renseigne sur l’aubedu cosmos observable.
En 2013, les analyses du rayonnement fossile par Planck commenceront à être rendues publiques. On connaîtra encore mieux les événements ayant eu lieu dans l’univers observable 380.000 après le Big Bang, juste au moment où les premiers atomes neutres d’hydrogène et d’hélium se formaient massivement. Mais que s’est-il passé entre cette date de l’histoire du cosmos et les quelque 200 à 500 millions d’années après sa « naissance » il y a 13,7 milliards d’années ?
Cela reste encore indéterminé car c’est pendant cette période dite des âges sombres que les premières étoiles et les premières galaxies avec leurs trous noirs supermassifs se sont formées. On tente d'en savoir plus dans le cadre de vastes simulations numériques comme Deus et l’on prépare des instruments qui devraient nous permettre d’avoir des observations précieuses. Une chose est sûre : lorsque ces premières étoiles et les premiers trous noirs ont commencé à briller, leurs rayonnements ont peu à peu réionisé l’hydrogène neutre constituant la majorité de la matière baryonique de l’univers.
Cette tache rouge n'est autre que la galaxie SXDF-NB1006-2 située à 12,91 milliards d'années-lumière de la Terre.
Cette tache rouge n'est autre que la galaxie SXDF-NB1006-2 située à 12,91 milliards d'années-lumière de la Terre. © NAOJ
Les instruments actuels commencent à empiéter sur le territoire encore largement inconnu de la réionisation. En témoigne justement la découverte faite par un groupe d’astronomes japonais utilisant le télescope Subaru au sommet du Mauna Kea à Hawaï. Avec son miroir primaire de 8,2 m de diamètre, ce télescope a observé dans l’infrarouge pendant 37 heures au cours de 7 nuits deux grands champs, les Subaru Deep Field et SubaruXMM-Newton Deep Survey Field.
Une nouvelle preuve de la théorie du Big Bang ?
En traitant patiemment les images obtenues, les chercheurs ont fini par dénicher l’objet baptisé SXDF-NB1006-2. Il s’agit d’une galaxie si lointaine que la fameuse raie Lyman-alpha de l’hydrogène qu’elle contient, qui se trouve dans l’ultraviolet, est observée dans l’infrarouge. La mesure du décalage spectral (Z=7,2) a fourni une estimation de sa distance : 12,91 milliards d’années-lumière !
Le décalage spectral vers le rouge d'un objet cosmologique est donné par une quantité notée Z, le Redshift. Sa valeur est donnée par une fonction dépendant de l'âge, et donc de la distance, de l'objet par rapport à la Voie lactée. Plus ce décalage est élevé, plus la distance nous séparant de l'objet observé, en général une galaxie, est importante. Le schéma ci-dessus retrace l'histoire de l'univers observable avec le décalage spectral en échelle logarithmique en abscisse. Avant la Recombinaison Cosmique, 380.000 ans après le Big Bang, l'univers observable est un plasma chaud. Pendant les Âges Sombres, la matière est devenue neutre sous forme d'atomes et la naissance des étoiles et des galaxies débutent pour finalement réioniser partiellement le cosmos. SXDF-NB1006-2 est observée par Subaru pendant la Réionisation Cosmique.Le décalage spectral vers le rouge d'un objet cosmologique est donné par une quantité notée Z, le redshift. Sa valeur est donnée par une fonction dépendant de l'âge, et donc de la distance, de l'objet par rapport à la Voie lactée. Plus ce décalage est élevé, plus la distance nous séparant de l'objet observé, en général une galaxie, est importante. Le schéma ci-dessus retrace l'histoire de l'univers observable avec le décalage spectral en échelle logarithmique en abscisse. Avant la recombinaison cosmique, 380.000 ans après le Big Bang, l'univers observable est un plasma chaud. Pendant les âges sombres, la matière est devenue neutre sous forme d'atomes et la naissance des étoiles et des galaxies débute pour finalement réioniser partiellement le cosmos. SXDF-NB1006-2 est observée par Subaru pendant la réionisation cosmique. © NAOJ
SXDF-NB1006-2 est présentée par l’équipe japonaise comme la galaxie la plus lointaine connue à ce jour, visiblement certaine d’avoir fait une observation plus solide que celle de UDFj-39546284. Découverte en 2010 dans la constellation du Fourneau, visible dans l’hémisphère sud, à l’aide du télescope Hubble, on estimait alors sa distance à 13,2 milliards d’années-lumière à l’aide des instruments du VLT. La mesure était cependant délicate et si personne n’a encore infirmé cette distance, elle n’a pas non plus été confirmée, voilà sans doute pourquoi l’équipe japonaise affirme aujourd’hui détenir le record de distance avec une galaxie.
Une mesure obtenue par les astrophysiciens est particulièrement intéressante. On sait que d’après la théorie du Big Bang, le contenu et l’état de la matière et du rayonnement changent dans l’univers observable au cours du temps. On avait ainsi prédit que le rayonnement fossile devait être plus chaud il y a quelques milliards d’années en fonction du décalage Z et c’est bien ce qui a été observé. De même, avec SXDF-NB1006-2, sa distance cosmologique devait correspondre à une période où une large part de l’hydrogène de l’univers était encore à l’état neutre. C’est bien ce qui a été trouvé avec une proportion de 80 %. Plus généralement, les chercheurs ont bien constaté que la portion d’hydrogène neutre augmentait avec la valeur de Z. Un argument de plus en faveur de la théorie du Big Bang, au moment où certains pensaient, à tort, que le modèle de la matière noire était en grande difficulté.

mercredi 6 juin 2012

Le transit de Vénus comme les Terriens n'ont pas pu le voir


C’est depuis l’espace que nous viennent les plus belles images dutransit de Vénus. Sur Terre, nombreux furent les frustrés qui ont souffert sous les nuages, guettant vainement la trouée, notamment en France métropolitaine. Destinées en priorité à eux, voici trois vidéos, dont deux ont été filmées par des observatoires spatiaux. SDO nous offre une superbe série en haute définition et Proba-2, de l’Esa, des images en UV extrême. En bonus, une explication du phénomène en animation.
Loin des rampants soumis aux caprices de la météo, les satellites étaient aux premières loges pour observer le second et dernier transit de Vénus du XXIesiècle. Commençons par Proba-2, mis en orbite en 2009 par l’Esa. De conception belge, cette deuxième version du Project for On-Board Autonomyest destinée à tester de nouvelles technologies. Proba-2 embarque notamment un télescope en UV extrême baptisé Swap, capable de prendre un cliché par minute de la couronne solaire. Le transit de Vénus était une excellente occasion de démontrer ses capacités, dans une vidéo, montage d’une série de photos.
 
Sur une période de 6 heures entre le 5 et le 6 juin 2012, SDO a observé le transit de Vénus devant le Soleil dans plusieurs longueurs d’onde, dans le visible et l’ultraviolet notamment, montrant différents détails, visibles ici dans les séquences successives. © Nasa
La Nasa a missionné SDO (Solar Dynamics Observation) pour observer l’événement, ce qui nous vaut une superbe vidéo. Elle comporte plusieurs séquences car l’instrument a filmé dans plusieurs longueurs d’onde. Enfin, nous avons ajouté une animation, de la Nasa également, qui explique le phénomène car un bon dessin en 3D animé vaut mieux qu’un long discours, comme disait Napoléon.
En bas de cet article, vous trouverez également une image prise par l’astronaute Don Pettit, royalement installé dans la Station spatiale internationale et qui a publié une série d’images du transit. Enfin, vous pouvez terminer cette promenade par une visite à la pointe Vénus, un site bien connu de la côte est de Tahiti où on a fêté le transit, jusqu’à faire chanter l’hymne polynésien par des enfants.
Le transit 2012 de Vénus observé par l’instrument Swap, de conception belge, installé sur le satellite Proba-2, de l’Esa. Sensible à l’ultraviolet extrême, Swap montre ici le passage de la planète devant la couronne solaire. Les points lumineux qui apparaissent sur l’image sont dus à des particules énergétiques frappant l’instrument. La forme s’éloignant du Soleil à la fin de la vidéo est une éjection de masse coronale (CME). © Esa
La planète Vénus, plus proche du Soleil et plus rapide, passe régulièrement entre la Terre et le Soleil. Mais, parce que les deux orbites des deux planètes ne sont pas tout à fait dans le même plan, la plupart du temps, Vénus passe (pour nous) au-dessus ou au-dessous du Soleil. © Nasa
Source :http://www.futura-sciences.com